Veyre Gabriel

Gabriel Veyre, La citadelle de Chellah, 1907

Septème 1871 – Casablanca 1936

La figure de Gabriel Veyre est importante dans le paysage photographique marocain. Il est une des expressions des liens entre la pratique photographique de l’autre, de l’étranger, et la prise en main de l’outil photographique par les Marocains.

« En 1896, moins d’un an après l’invention du cinéma, la vie de Gabriel Veyre, jeune lyonnais étudiant en pharmacie, bascule. Devenu opérateur des Frères Lumières, il va parcourir la planète, un cinématographe sur l’épaule. Mexique, Cuba, Colombie, Venezuela, Canada, Japon, Chine, Indochine (…) ».

Pendant quatre années, il éduqua son regard et filma sur le support des premières pellicules ; il projeta également, introduisant ce nouveau support et outil dans de nombreuses villes. En 1901, il part de Marseille et embarque pour le Maroc. De la rencontre Gabriel Veyre et le sultan, naîtra un grand respect et une amitié mutuelle. Il enseigna la pratique de la photographie au jeune sultan Moulay Abd El Aziz en 1901.
Le laboratoire est installé dans la cour des amusements, le français s’étonnera des moyens mis à sa disposition. Ce lieu aux tonalités joyeuses est le seul espace du palais fréquenté par les Occidentaux. Lieu de Théâtre et d’artifices, le sultan « échange des volées au tennis, tape du pied dans le ballon rond, s’adonne à différentes figures de gymnastiques, manie le sabre et s’initie à l’escrime, et un jour, enfin, enfourche sa première bicyclette. » (Jacquier, Pranal, Abdelouahab, 2005 : 12)

Alors âgé de trente ans, le photographe français deviendra le principal animateur du palais. Il introduisit les découvertes par le jeu de nombreuses nouveautés technologiques de toutes sortes. Ainsi, la cour des amusements accueillit l’électricité, l’éclairage, un laboratoire chimique…. Gabriel Veyre installa la première ligne téléphonique de Marrakech, il fut un pionnier dans le domaine radiophonique, et fut également le premier à parcourir le Maroc en automobile! Il créa différentes affaires au travers de ces nouvelles technologies. Il fondit l’Automobile Club du Maroc, développa de nombreuses usines, se lança dans l’élevage. De par sa place et sont statut, il avait l’opportunité de photographier la vie animée de la cour, les proches du sultan, les appartements privés, le harem, des scènes de la vie quotidienne. Le sultan lui-même devint un photographe féru des techniques et réalisa de nombreuses photographies ; il est décrit comme insatiable. Gabriel Veyre décida de s’installer définitivement au Maroc après le décès tragique et brutal de sa bien aimée en 1902.

Témoin des essais et balbutiements des Frères Lumière au sujet de la photographie couleur, il fut le premier à utiliser et promouvoir l’autochrome. Il fut un des premiers à l’utiliser au Maroc en 1908, et signa les premières photographies en couleurs apparues dans la presse. Moulay Abd el-Aziz voulut tout de suite s’enquérir de ce nouveau procédé ; une fois la technique apprise, il passa de longues heures enfermé dans son harem à photographier ses femmes, son sujet favori.

En 1905, le photographe publia le livre « Dans l’intimité du sultan». Dans le même élan, Gabriel Veyre est correspondant pour le Journal L’illustration, la rédaction lui commandera un reportage en couleurs sur la présence française. Cet exercice lui permettra d’être mis en relation avec le général Lyautey et son état major. En 1934, après avoir passé plus de 30 ans au Maroc et être âgé de soixante trois ans, il s’engagea dans une excursion photographique et parcourut les routes marocaines pendant une année. Il prendra des centaines de photographies en couleur.

« Gabriel Veyre était un photographe modeste et silencieux, et s’il il n’a pas fait carrière dans ce domaine, c’est probablement que l’idée même de carrière lui était étrangère. La liberté a guidé sa vie comme son œuvre photographique Son goût l’entraînait vers des compositions raffinées auxquelles la subtilité des couleurs de l’autochrome répondait merveilleusement. » (Jacquier, Pranal, Abdelouahab, 2005: 51) Il mourut peu de temps après, à Casablanca.

Bibliographie: 
1905: publication de: “Dans l’intimité du sultan” 
2005: Philippe Jacquier, Marion Pranal, Farid Abdelouahab: “Le Maroc de Gabriel Veyre”, éditions Kubik